Vitae
LA LOI NORMALE DES ERREURS
Cadre ancien, documentation et
graphite sur Valchromat
Dimensions et propositions variables
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2014-2025
J’ai sans doute commencé à m’intéresser aux spoliations par association visuelle. En effet, la manière dont étaient accumulés ces dizaines cadres anciens dans mon atelier a rapidement évoqué les photographies réalisées par Marc Vaux dans un Musée du Louvre vidé des ses toiles ou dans différents lieux de dépôt utilisés par les Nazis, comme celui du jeu de Paume à Paris.
En parcourant des registres numérisés relatifs aux spoliations réalisées en France pendant l’Occupation, jaillit l’idée de faire coïncider les dimensions de ma cinquantaine de cadres vides avec celles de peintures ou d’œuvres sur papier. C’est en interrogeant la très ergonomique base de données de l’ERR Project disponible sur Internet – en entrant les dimensions des cadres récupérés en brocante dans les champs de recherche – que j’ai pu identifier des œuvres qui auraient pu y prendre place. Parmi les diverses propositions, j’ai assez naturellement privilégié les représentations de figures humaines, ne plaçant finalement qu’en seconde position la qualité d’un peintre ou d’une collection. Les notices correspondant aux œuvres ont été imprimées et collées sur les panneaux noirs, à l’endroit où l’œuvre d’art aurait pu être mise en place. Celles-ci comprennent une photographie en noir et blanc du tableau, du dessin ou de l’estampe d’origine, qui a pu depuis être restitué, perdu, détruit ou encore avoir rejoint les cimaises ou les réserves d’un musée.
Par le dispositif de l’installation associant différents cadres, le but recherché est la traduction visuelle tant d’une certaine histoire oubliée de la peinture – une peinture plus ou moins modeste, qui n’a pas sa place sous cette forme non hiérarchisée dans les livres d’histoire de l’art – que des dépossessions massives, infligées à des centaines de collectionneurs et marchands d’art. Il s’agit ainsi finalement d’évoquer le rapport intime entre son propriétaire et un objet d’art – intimité brutalement anéantie par la violence et la cruauté de l’entreprise nazie.
Un portrait peint à l’huile trône au-dessus de ces cadres sombres. Découvert dans une brocante en région parisienne, sur un stand du Rotary club, il représente un homme au visage sévère et froid, qui peut aussi bien évoquer une allégorie de l’administration nazie, à la déshumanisation implacable, qu’un collectionneur impuissant ou un témoin muet voire la conscience universelle comme le proposa Daniel Bosser. Son identité, comme celle de son auteur, demeurera probablement à jamais mystérieuse.
Propos issus de :
LES SOURCES AU TRAVAIL
Journal de l’Université d’été de la
Bibliothèque Kandinsky # 2
Édition BK-Centre Pompidou
2016
LES SOURCES AU TRAVAIL
Journal de l’Université d’été de la
Bibliothèque Kandinsky # 2
Édition BK-Centre Pompidou
2016
BERNSTEIN
BORDEAUX Nr°18
BERNSTEIN
BORDEAUX Nr°27
BERNSTEIN
BORDEAUX Nr°30
BERNSTEIN
BORDEAUX Nr°13
BERNSTEIN
BORDEAUX Nr°12