LA LOI NORMALE DES ERREURS : 
PROJET PICASSO

Installation en frêne, graphite sur Valchromat, 
documentation et huile(s) sur toile
Dimensions et proposition variables
2015-2016


 

 Ce projet s’inscrit dans la continuité du travail sur les œuvres spoliées en France par l’administration du IIIe Reich entamé avec l’installation La Loi normale des erreurs en 2014. Celle-ci regroupait, sous un portrait peint anonyme, des cadres anciens enserrant des panneaux noirs, dont les dimensions correspondaient à celles d’œuvres répertoriées par les agents de l’Einsatzstab Reichsleiter Rosenberg (l’ERR), provenant des saisies réalisées chez de grands collectionneurs ou marchands juifs comme Alphonse Kann, Paul Rosenberg ou la famille Rothschild.

   Les inventaires de l’EER comportent 89 œuvres sous le nom de Picasso, qui figure parmi les artistes les plus fréquemment cités, aux côtés de peintres comme Fragonard, Delacroix ou Renoir. Certaines de ces œuvres – 87 sont décrites avec précision – n’ont pas été restituées ; plusieurs d’entre elles ont été détruites lors du bûcher qui eut lieu devant le Jeu de Paume en mai 1943, quelques unes ont disparu et d’autres sont passées par les mains d’Hermann Göring lors d’échanges avec le marchand Gustav Rochlitz, sévèremment condamné pour ses trafics.
   Le projet consiste à faire réfléchir les spectateurs au sort réservé à ces 87 œuvres d’un artiste alors au milieu de sa carrière, considéré comme un « dégénéré » tout en étant convoité par certains de ses détracteurs. L’installation associe à un index papier contenant l’exhaustivité des fiches imprimées relatives aux spoliations en France, sa traduction visuelle en volume. Vis-à-vis de la documentation papier, les tableaux, estampes et dessins sont ainsi évoqués sous la forme de plaques noires, distribuées sur toute la longueur de la pièce, au sol. Entourées d’une baguette en bois brut rappelant les caches-clous que Picasso utilisait pour protéger ses peintures avant encadrement, ces plaques servent de support au numéro d’inventaire de l’œuvre dont elles adoptent les dimensions, renvoyant à sa fiche d’indexation. 

    Jouxtant l’installation, le Portrait de Madame Rosenberg et sa fille, entré par dation au Musée Picasso en 2008 après avoir été spolié, échangé par Göring au profit d’œuvres destinées à collection personnelle puis restitué, est installé au mur. Il constitue pour le visiteur la seule œuvre immédiatement accessible de l’ensemble.




Raphaël Denis
2014-2025 
special thanks to Martin Gautron
https://hakimaki.com/work