Vitae
LA LOI NORMALE DES ERREURS :
LES TRANSACTIONS GŒRING-ROCHLITZ
2018 - 2021
285 x 300 x 300 cm
Bois, encre, textile, cordages et documentation
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Collection Kunsthaus Zürich
CH
N° inventaire : ZKG.2021/0021
Basée sur des recherches en archives, la pièce traduit visuellement le volume du trafic qui s’est déroulé entre mars 1941 et novembre 1942 entre les intermédiaires du marchand Gustav Röchlitz et de Hermann Göring. À dix-huit reprises, les deux hommes « échangèrent » en effet des peintures qui avaient été saisies à des familles juives dans le but d’enrichir, l’un sa collection personnelle, l’autre son fonds de commerce.
La documentation disposée sur le socle réunit les fiches d’identification des tableaux dressées par l’Einsatzstab Reichsleiter Rosenberg lors de leur arrivée dans le bâtiment du Jeu de Paume à Paris, où les peintures spoliées étaient concentrées. Ces fiches, aujourd’hui disponibles sur des bases de données accessibles en ligne, ont été complétées, enrichies d’images et de leur localisation actuelle, lorsqu’il s’agissait d’une œuvre passée en collection publique.
L’installation du Kunsthaus est la suite logique de celle présentée au Centre Pompidou, qui s’intéressait au fonds du marchand Paul Rosenberg. De nombreuses œuvres spoliées à ce dernier finirent en effet par servir de « monnaie d’échange » entre Rochlitz et Göring. Constat établi et voyant l’intérêt de cet aspect historique, j’ai commencé à chercher toute sorte de documentation en lien avec ce marchand (listes, procès verbaux, interrogatoires, dossiers de réclamation des familles spoliées et sources iconographiques…) au Centre des Archives diplomatiques du ministère des Affaires étrangères.
En parallèle de ces recherches en archives « papier » je m’appuie également sur la principale base de données disponible sur internet (https://www.errproject.org/jeudepaume/card_advanced_search.php) afin de constituer le listing complet des œuvres échangées. Cette base, incroyablement et malheureusement vaste, reste par moment lacunaire et imprécise (tableaux sans image, renseignements inexacts...). Concernant mes interventions sur ces informations, l’idée est davantage de retrouver les images manquantes que de corriger les erreurs de provenance.
Les images qui complètent les fiches proviennent de nombreuses sources différentes, parfois issues de sites professionnels, parfois de sites « amateurs » alimentés par des bénévoles ou des aspirateurs de données. Catalogues, livres, fonds d’archives et internet (wikiart, dhm, lostart, sites de maisons de vente...).
Enfin, la dernière intervention que je m’autorise est d’indiquer, lorsque je la trouve, la localisation actuelle des tableaux. Cela a généralement lieu grâce à l’épluchage des collections online des musées ; j’utilise aussi parfois un logiciel de reconnaissance d’image (c’est ainsi que j’ai repéré le Modigliani actuellement présent – de façon « pas vraiment légitime » au Sprengel de Hanovre) – .
Pour résumer, l’idée est, pour chaque développement de La Loi normale des erreurs, à partir d’un axe de travail précis, d’élaborer une liste d’œuvres puis de mettre un « visage » sur chacune d’entre elles ; il s’agit ensuite de les réunir dans une documentation et enfin de produire une installation traduisant, pièce à pièce, le volume des tableaux en question.
Les erreurs de provenance – comme celle que l’on trouve sur La petite Irène de Renoir, à ma connaissance la seule que l’on trouve parmi les tableaux concernés par les transactions – sont, quant à elles, laissées apparentes sur les fiches même si je les ai repérées (https://www.errproject.org/jeudepaume/card_view.php?CardId=8996). Il m’importe en effet plus de mettre une image sur un « numéro de matricule », dans un souci d’incarnation, que de corriger un « détail » : ce travail revient, selon moi, davantage à l’historien ou à l’administrateur de la base qu’à moi-même.